Lutter efficacement contre l'habitat dégradé : les préconisations d'Alexandra Louis, de Cathy Racon-Bouzon et de Saïd Ahamada
22 Novembre 2018
L’habitat dégradé à Marseille concerne de très nombreux habitants et les évènements dramatiques de novembre ont rappelé l’urgence d’agir pour y remédier.
La lutte contre l’habitat dégradé est l’une des priorités du Gouvernement. Elle s’est traduite notamment dans les dispositions de la loi ELAN, dans le plan « Initiative copropriétés » et, plus récemment, par un audit commandé par les services de l’Etat et mené notamment par le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) pour repérer les logements présentant des risques de sécurité.
Cette lutte doit désormais être une priorité locale comme elle l’est au niveau national. C’est un enjeu de démocratie et de dignité. Aucune action en la matière ne pourra prospérer sans l’engagement durable et sans faille des collectivités territoriales. Cet engagement doit se traduire dans les actes dès aujourd’hui !
Il faut donc non seulement pouvoir engager des programmes de rénovations sur les copropriétés les plus dégradées comme le prévoit le Gouvernement, mais aussi endiguer le plus tôt possible la spirale de la dégradation en agissant dès les premiers symptômes.
Nos préconisations peuvent être regroupées en 3 volets :
I. Identifier, endiguer et prévenir l’habitat dégradé
- Installer un guichet unique accessible par plusieurs moyens (physiquement, numéro de téléphone unique, site internet avec un formulaire à remplir en ligne) pour favoriser le signalement par les professionnels mais également par les particuliers.
- Assurer la traçabilité informatique des dossiers entre les différents intervenants depuis le signalement jusqu’à la clôture du dossier avec la mise en œuvre d’une base de données informatique entre l’État et la Ville (avec l’aide de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement DIHAL) qui pourra recenser l’ensemble les signalements et les arrêtés pris par les autorités compétentes.
- Augmenter les effectifs au sein des services municipaux et particulièrement du service communal d’hygiène et de santé de la Ville de Marseille pour parer les difficultés pointées par l’Agence Régionale de Santé (ARS).
- Développer la formation initiale et continue des agents en charge de ces dossiers, via l’offre de la DIHAL.
- Garantir la réalisation d’un diagnostic après chaque signalement ainsi que la réalisation d’un rapport qui permettra de donner un cadre juridique à la situation d’habitat insalubre ou de péril.
- Transmettre systématiquement le rapport rédigé aux propriétaires et locataires afin que ces derniers puissent faire valoir leurs droits.
- Envisager de confier la réalisation des diagnostics à une ou plusieurs associations agrémentées et reconnues spécifiquement qui ont une expertise en la matière.
- Consacrer une part significative du budget d’investissement de la mairie centrale aux dépenses de lutte contre l’habitat dégradé.
- Sanctionner les marchands de sommeil : Réunir de façon régulière le dispositif GOLHI (Groupement opérationnel de lutte contre l’habitat indigne) qui associe le Parquet, l’ARS, la Préfecture, la mairie, les services de police, la gendarmerie, les services Hygiène et Sécurité de la Mairie), en y intégrant la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), les services de la Mairie compétents en la matière et évaluer son action tous les 6 mois. Il permettra de signaler à la justice les dossiers qui pourraient relever de la législation sur les marchands de sommeil.
- Créer des points d’accès au droit pour les locataires et les propriétaires afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits et les aider à régler dans un cadre légal les difficultés liées au problèmes de copropriété ou en matière locative.
- Prévenir les difficultés en renforçant la formation des membres des conseils syndicaux.
- Renforcer, développer et appliquer les outils de contrôle et de sanction des syndics défaillants sur la gestion administrative et financière de la copropriété.
- Prévenir les difficultés en mettant en place des permis de louer, tels que prévus dans la loi ALUR, afin de sortir du marché les biens immobiliers dégradés ce qui suppose :
- D’identifier les zones sujettes à une simple déclaration / les zones sujettes à une autorisation préalable à la mise en location.
- De créer un service ad hoc destiné à mettre en œuvre ces permis.
- D’instaurer un partenariat entre la CAF et la Mairie à l’exemple du dispositif mis en place à Gennevilliers prévoyant la suspension du versement des APL aux propriétaires en cas d’habitat indigne ou d’absence de permis de louer.
- De mettre en place la réalisation de travaux d’office et utiliser la possibilité de se substituer financièrement aux seuls copropriétaires défaillants quand les travaux sont bloqués par des copropriétaires ne répondant pas aux appels de charges (procédure non utilisée jusqu’à présent), avec l’aide de la DIHAL.
II. Pour les secteurs les plus impactés par l’habitat dégradé : rénover et reconstruire
- Demander l’instauration d’un Orcod-in multi-site (opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national) comme proposé dans le rapport Nicol de 2015 qui pourrait éventuellement se lier au plan « Initiative copropriétés ».
- Participer au redressement des copropriétés en difficultés, en facilitant l’acquisition provisoire de logements par des opérations publiques et en réalisant des travaux de rénovation.
- 2 milliards d’euros alloués à l’ANAH pour financer notamment le portage provisoire de logement, l’ingénierie de projet (comme Cœur de ville), le financement des travaux d’urgence et des dispositifs nouveaux :
- Création d’une aide pour financer le déficit d’opérations à hauteur de 80%
- Une prime « copropriété » pour bonifier les aides aux travaux proposées par la collectivité.
- Accompagnement dans la transformation des copropriétés situées dans les projets d’aménagement des sites du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU)
III. Assurer le relogement de façon efficace
- Rendre le dispositif de relogement moins opaque.
- Accélérer l’hébergement provisoire, le relogement et la reconstitution de l’offre de logements en :
- Réquisitionnant, lorsque cela est possible et dans le strict respect du droit de propriété, par la négociation avec les bailleurs privés, les logements vacants sains à proximité des secteurs concernés par l’habitat dégradé.
- Utilisant des modes d’habitat alternatif, des modes de construction rapide par exemple : les constructions pérennes ou temporaires à base de containers maritimes qui permettent de résoudre l’équation de l’urgence des besoins avec le temps long de la construction d’un parc immobilier assaini.
Ces préconisations ne sont pas figées et ont vocation à évoluer notamment au travers de la consultation des citoyens. Nous ne pourrons pas résoudre cette crise profonde contre la volonté des habitants ou à leurs dépends. L’ensemble du plan de réhabilitation ne doit pas rajouter au traumatisme de la perte d’un logement celui du déracinement des familles.
Ces préconisations ne doivent pas amoindrir la mixité sociale et la vie populaire à Marseille et exclure tout ou partie de la population actuelle du centre-ville. Nous les aurions suivies si nous étions aux responsabilités des collectivités locales. Leur mise en place ne dépend que de la volonté politique de ces derniers. Les collectivités sont le premier maillon de l’action que l’État viendra appuyer notamment en finançant les initiatives de la Métropole.
Alexandra Louis, Cathy Racon-Bouzon et Saïd Ahamada, députés des Bouches-du-Rhône.
Contact
Nous contacter
contact@alexandra-louis.fr